Laisser le passé, là où il est...
Les nouvelles technologies nous permettent aujourd’hui de retrouver des personnes que nous avions perdues de vue au fil des années. Avec Internet, et plus précisément, avec l’existence de sites tels que COPAINS D’AVANT et FACEBOOK, j’ai pu reprendre contact avec des amis du collège, du lycée et de la fac. Si, pour certains, revoir des amis d’enfance, fut une agréable expérience, ce ne fut pas vraiment le cas pour moi.
Au printemps 2006, Robin, un copain du collège reprit contact avec moi par le biais de COPAINS D’AVANT. Pour vous décrire le personnage : Robin, c’était le petit comique de la classe. Un gamin qui ne se prenait pas la tête avec l’école. Un sale gosse qui n’a jamais pu intégralement assister à un cours de latin : il faisait toujours en sorte de s’en faire virer au bout d’un quart d’heure. Un petit rondouillard aux cheveux hirsutes et au rire cristallin. Un garçon qui attirait la sympathie de tous les élèves. Avec lui, nous n’étions jamais à l’abri d’une connerie. Indubitablement, il rendait les cours moins moroses !
Alors, lorsqu’il m’apprit par échange de mails qu’il avait quitté notre chère ville du Nord pour la capitale et qu’il travaillait à Neuilly, soit à 2 stations de la Défense, je n’hésitai pas à lui proposer de déjeuner ensemble. Il accepta et nous décidâmes de nous retrouver à la sortie de la station « Pont de Neuilly » le lendemain midi.
Je me rendis au rendez-vous avec plein d’enthousiasme. J’y voyais l’occasion d’évoquer le passé, de savoir ce qu’il était devenu, de se marrer un bon coup. Bref, un bon moment à passer en perspective !
Lorsque je sortis de la bouche du métro, je le reconnus au premier coup d’oeil. Robin n’avait pas beaucoup grandi et avait gardé ses rondeurs de jeune adolescent. Par contre, la tignasse avait laissé place à un crane bien lisse et son jean à un costume gris anthracite. Je ne fus pas vraiment surprise de son évolution physique. Je ne m’attendais pas à voir un sosie de Brad Pitt. Beau, il ne l’avait jamais été. Le vilain petit canard qui se transforme en cygne : cela n’existe que dans les films.
Il m’invita à le suivre dans une petite rue perpendiculaire à la bouche de métro. Il avait « ses habitudes dans un petit troquet du quartier » me dit-il. Je perçus une pointe de prétention dans ses propos. Néanmoins, sur le coup, je n’y portai pas plus d’attention que cela.
En entrant dans le troquet, il salua le serveur par son prénom et m’invita à passer devant lui. Il avait réservé une table au fond, dans la partie véranda. Nous commandâmes rapidement nos plats et commençâmes à discuter. Nous évoquâmes notre vie privée, sans nous attarder sur le sujet. J’appris tout de même qu’il avait épousé une femme de 7 ans son aîné, qu’ils attendaient un petit garçon pour le mois janvier et qu’ils vivaient à Versailles.
Robin embraya assez vite sur ma situation professionnelle : moi, qui, selon lui, étais « bonne élève à l’époque », qu’étais-je devenue ? Sans honte aucune, je lui avouai que j’avais un peu foiré ma carrière professionnelle et que je travaillais en tant que gestionnaire dans un grand cabinet de courtage américain. A l’instant, où je lui appris la nouvelle, je sentis son regard changer sur moi. D’ailleurs, Cal Lightman (série « lie to me ») aurait certainement perçu une marque de dédain dans son regard ou dans sa gestuelle. Robin était entrain de me juger, j’en étais convaincue !
Il en profita, alors, pour me parler de son job à lui. Il était cadre, lui… Il occupait un poste de consultant en recrutement chez un cabinet de conseils. Il gagnait bien sa vie et disposait d’un réseau de connaissances bien étendu. Il développa son métier et insista sur son ambition d’évoluer très rapidement. Il était sûr de lui, prétentieux et imbus de sa petite personne. Mais, qu’était donc devenu le garçon plein d’humour ? Le gamin qui ne se prenait pas au sérieux ? Si le changement n’était pas spectaculaire d’un point de vue physique, il en était autrement de la personnalité.
Je décidai de changer de sujet et lui demandai s’il était resté en contact avec Mary, ma meilleure amie de l’époque et Sacha, un autre copain. Mary était bilingue : une mère écossaise et un père français. Il m’apprit qu’elle n’était « que » secrétaire dans une usine de dentelle et qu’il ne comprenait pas un tel manque d’ambition lorsqu’on avait la chance de parler deux langues. Quant à Sacha, il était photographe. Le photographe de son mariage. Un photographe raté, qui n’avait pas été capable de prendre des photos réussies de son mariage !
Nous avions terminé nos plats. Il me proposa de prendre un dessert. Je prétextai une pause ne devant pas excéder une heure afin de couper court à notre entrevue.
Je suis sortie de cette entrevue : amère, déçue, démoralisée et complexée. Je n’avais jamais ressentie une telle arrogance chez une personne. Comment avait-il pu autant changer en 15années ?
Maintenant, je réfléchis toujours en deux temps avant d’accepter de reprendre contact avec une personne du passé. Parfois, il est préférable de rester sur d’agréables souvenirs afin de ne pas ressentir une cruelle déception.