un petit vieux peut en cacher un autre...
C’était il y a 4 ans. J’avais décidé de me faire piercer la langue dans un salon de tatouage et de piercing dans une ville très très chic du 92.
Je fus accueillie par une fille, d’environ 35 ans, au look particulier mais très sympa au demeurant. Elle vérifia la morphologie de ma langue, m’expliqua la manière dont elle allait procéder et me proposa un rendez-vous le samedi suivant.
Le jour venu, elle me fit patienter quelques minutes sur une banquette du salon. Tandis que je feuilletais sans intérêt aucun un album proposant de nombreux modèles de tatouage, un vieux monsieur poussa la porte d’entrée. Il était âgé d’environ 80 ans, le dos voûté, portait un pardessus sur un costume et un chapeau sur la tête. Il se dirigea vers ma pierceuse et lui claqua la bise. Elle lui demanda comment il se portait, l’aida à retirer son pardessus et le fit entrer dans la « salle des tortures ».
Une vingtaine de minutes s’écoula avant qu’il n’en ressortisse. Le même scénario se reproduisit : enfilage de pardessus, claquage de bise et promesse de se revoir très prochainement devant la porte d’entrée tenue par ma pierceuse.
C’est alors que vint mon tour, elle me fit signe d’entrer dans la cabine, me fit assoir sur un fauteuil semblable à celui que l’on peut trouver dans un cabinet médical. Alors qu’elle enfila ses gants et prépara ses instruments, je décidai d’entamer la conversation en évoquant la venue du vieux monsieur.
Je l’avoue, j’avais été fortement intriguée par la présence de ce papy dans un salon de tatouage. Il détonnait un peu, il faut bien l’admettre ! Grand-père de la pierceuse ou simple client ? La première hypothèse, sans aucun doute…Enfin, happée par la curiosité, je cherchai à en savoir un peu plus auprès de la jeune femme. Je prêchai le faux pour connaître le vrai (une tactique que j’utilise régulièrement dans la vie).
-Votre grand-père vient souvent vous rendre visite ?
-Ce n’était pas mon grand-père (éclat de rire)
-Ah,bon ?
-Ce monsieur est un client régulier.
-Régulier ? (comme si se faire piercer était un acte anodin au même titre que de se faire couper les cheveux chez le coiffeur !). Mais, que te demande-t-il ? (parce que dans ce milieu là, le tutoiement est de rigueur).
-Il se fait piercer.
-Ah…Quelles parties du corps ?
-Le sexe…Le gland et les testicules ! (sur le même ton que si elle m’annonçait le tirage du loto)
-Tu plaisantes, il en a combien comme ça ? (plus que surprise !)
-Huit. Tous les mois, il revient me voir pour que je le pierce de nouveau.
-C’est dingue ça, mais il est marié ? (atterrée)
-Non, il est veuf et vit seul. Il n’a pratiquement plus de famille. Il me parle beaucoup…
-Je ne peux pas le croire. Jamais, je n’aurais pu imaginer un truc pareil possible.
-Oh, mais tu ne serais pas au bout de tes surprises si je te donnais la liste de ma clientèle type : médecins, avocats, notaires, célébrités. N. est une ville bourgeoise, il ne faut pas l’oublier !
Sur ces dernières paroles, elle me fit ouvrir la bouche, tirer la langue et approcha une aiguille d’une longueur impressionnante.
Après cette histoire, je me fis trois réflexions :
- l’habit ne fait pas le moine. Maintenant, je peux vous le dire : je ne regarde plus les petits vieux du même oeil!
- la solitude peut vous pousser à faire des trucs impensables. Consulter un psy, une voyante ou téléphoner à SOS Amitiés, c’est tout de même moins douloureux que de se faire piercer les bijoux de famille !
- lorsque le monsieur décédera, le préposé à la toilette mortuaire et la famille risquent de se trouver fortement surpris en découvrant le joli Prince-Albert!
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